Janssen Marcel (1911, Verviers, Belgique – 1981)
Maréchal des logis, 1er Escadron, 2ème Peloton. Chef de char Somua 57 / 10691. Equipier : Augustin Casaubon.

Marcel Janssen - 2ème régiment de cuirassiers
Marcel Janssen lors du service militaire, en présence de sa maman.

Un destin singulier…

Marcel Janssen est né le 31 janvier 1911 à Verviers (Belgique) en province de Liège. Il naît donc avec la nationalité belge.

Marcel Janssen

Son grand-père et son père (Pierre) font le commerce du cuir. Voyageurs de commerce ils visitent régulièrement la France et finissent par s’y installer au point que la famille est naturalisée en 1930.

Marcel Janssen

Le moment venu, Marcel accompli son service militaire dans son pays d’adoption, très vraisemblablement dans un régiment de Cavalerie.

Lorsque la guerre éclate, Marcel est mobilisé au sein du 2ème Cuirassiers qui vient se positionner à Merdorp …en Belgique …en province de Liège !

Très gravement blessé le 13 mai, son destin singulier se poursuit puisqu’il est hospitalisé à Liège, à quelques km à peine de son lieu de naissance. Il reçoit d’ailleurs la visite de ses cousins liégeois demeurés au pays. La boucle est bouclée !

Le temps du service militaire

Photos extrèmement rares du matériel militaire en plein exercice. Il semble qu’il s’agisse de chars Renault FT.

La mobilisation

Le carnet de l’année 1940 de Marcel Janssen nous donne des indications précieuses sur l’occupation d’un régiment sur pied de guerre. Ces notes sont aimablement retranscrites par sa fille.

  • mardi 30 janvier : “touché char 10691“.  Puis, les jours suivants, essais de tir avec ce char.
  • du 30 janvier au 10 mai sont notés les manoeuvres, les essais de tir, les chargements d’obus…
  • 9 fevrier : “reçu deux lettres de Marguy, dont l’une annonçant le nom qu’elle a choisi pour le char :  L’Intrépide“.
  • 14 février :”le soir, dîner de baptème de L’Intrépide
  • 19 avril : “reçu pour L’Intrépide insigne B.D.A.C.” [NDLR: il s’agit d’un insigne d’une batterie divisionnaire anti-chars (Artillerie) où est mobilisé Boyer, cousin de Henri Belhague (conducteur attitré du char de Marcel). Cet insigne représente une main tenant un poignard transpercant un char… Bien que Marcel apprécie la beauté de cet insigne, il doit s’agir pour lui d’une manière de conjurer le sort …]
  • 4 mai : “reçu fanion de L’Intrépide
Marcel Janssen

Les experts en la matière seront en mesure d’apprécier le caractère tout à fait exceptionnel du fanion présenté sur cette page.  En effet, si cela a toujours été la tradition pour les hommes des chars de baptiser leur véhicule, il est tout aussi évident que cette coutume n’a pu être mise en place au 2 Cuir par manque de temps. Aucune des photos des épaves du 2 Cuir ne montre un nom de baptème sur le blindage de la tourelle. On peut comprendre via le scénario présent que les hommes du 2 Cuir auraient respecté cette tradition s’ils avaient disposé d’un peu plus de temps. 

S’agissant du présent fanion, il semble évident qu’il n’a pas accompagné Marcel à Merdorp, sans quoi il n’aurait pas pu être extrait du char en feu. Nous supposons que Marcel l’a laissé dans sa garnison et qu’il a pu le récupérer après son retour d’Allemagne ou alors qu’il existait plusieurs fanions…

Parmi les distinctions honorifiques on peut reconnaître :

  • Croix du combattant français (deuxième guerre mondiale)
  • Croix de Guerre avec Palme
  • Médaille des blessés de guerre

Merdorp, 13 mai 1940

Dans un courrier qu’il adresse au père de feu le Lt de Presle, Marcel Janssen lui explique comment le peloton s’est mis en marche dès le déclenchement de la guerre.

Le peloton s’installe à Merdorp le 11 mai. Marcel cantonne dans la ferme Pirson (cercle mauve) alors que Henri Tribout s’installe dans la ferme Vigneron (cercle jaune).

Armand Pirson, fermier
Alice Romainville, épouse d’Armand

Le schéma ci-dessous, paru dans les 2ème et 3ème DLM d’Erik Barbanson, est fait de la main du père du Lt de Presle. Il recoupe le texte proposé ci-dessous et permet de visiualiser clairement les positions françaises à Merdorp avant la bataille; de plus il est également possible d’apprécier tout particulièrement le positionnement du peloton de Presle dont le char du Lieutenant est protégé sur la gauche par le groupe Janssen et sur la droite par le groupe Munier.

Le rapport rédigé par Marcel Janssen en décembre 1940 à l’attention du capitaine de Beaufort contient la description minutieuse du combat de Merdorp tel qu’il a été vécu par son auteur. Quelques points remarquables qui peuvent être relevés :

  • Belhague et d’Erceville sont les servants habituels du char mais ils sont en permission au moment du combat.
  • Le sort de l’adjudant Garnier (tué à Merdorp) est évoqué
janssen_rapport

Citation parue dans le journal officiel

“JANSSEN, maréchal des logis au 2ème régiment de cuirassiers : chef de char d’une froide audace et d’un sang-froid à toute épreuve. Le 13 mai 1940, s’est battu contre de nombreux chars ennemis qui attaquaient la lisière du village dont il avait la garde. Entouré par l’ennemi a néanmoins continué à faire feu.”

Ci-dessous le Somua 57 immatriculé 10691 de Marcel Janssen, détruit à Merdorp. Les traces d’incendies sont bien visibles.

© Chars Français

Marcel Janssen

Le témoignange édifiant du brigadier Albert Crépin donne un regard similaire sur cette terrifiante bataille de Merdorp.

Hopital Saint-Laurent, Liège

Le maréchal des logis Janssen séjourne à Saint-Laurent du 14 mai au 27 août 1940.

Un chirurgien allemand opère Marcel qui lui doit d’avoir pu sauvegarder l’usage de son bras. En effet, une projection de métal en fusion avait pénétré le bras de Marcel et s’était enroulée autour d’un nerf. Il a fallu une grande dextérité pour retirer ce corps étranger sans sectionner le nerf.

Sur la photo ci-dessous Marcel Janssen (2ème depuis la droite) apparaît aux côtés du Lieutenant Cadis (3ème depuis la droite).

Marcel Janssen

D’autres photos représentant Marcel hospitalisé à Liège sont visibles sur la page de l’hôpital Saint-Laurent ou sur la page de Henri Tribout.

Marcel quitte Liège pour la captivité. Il est interné à Bedbourg-Hau du 27 août au 5 octobre 1940 et ensuite au Stalag 6C jusqu’au 14 novembre 1940. Il est ensuite rapatrié via un convoi sanitaire et rejoint l’hopital de Tarascon jusqu’au 8 décembre 1940.

Pélerinage à Merdorp…

Dans un courrier de 1943 adressé au père du Lt de Presle, Marcel Janssen nous donne une fois de plus de nombreux détails intéressants sur ses actes et sur l’intensité des moments vécus en Belgique :

“J’ai donc été à Liège rendre visite aux médecins et infirmières liégeoises qui nous avaient si bien soignés. J’ai revu aussi tous les parents et amis qui s’étaient intéressés à moi pendant mon séjour à l’hopital de Liège. J’ai aussi été avec un de mes cousins faire un pélerinage à Merdorp et Hannut. On m’a réservé partout un accueil des plus chaleureux. A Merdorp, j’ai déjeuné chez Pirson, le fermier ou nous avions cantonné du 11 au 13 mai. Ils ont gardé un souvenir émouvant du lieutenant de Presle, dont ils ont conservé religieusement une photo d’identité qu’il leur avait remise. Ils s’occupent eux-mêmes, avec un soin maternel, de sa tombe qui ne défleuri pas de l’année. Ils sont d’ailleurs aidés dans cette tâche par tous les habitants du village qui soignent de même façon les 12 tombes de nos camarades tombés glorieusement dans Merdorp. Des paysans m’ont dit que l’on avait retrouvé le Lt derrière son char tombé sur le dos, les bras en croix.

A Thisnes, j’ai rencontré M Léon Douette, professeur à Hannut qui a organisé un comité de réception des anciens combattants français ayant combattu dans la région qui ne tari pas d’éloge sur l’armée Française. Il m’a montré de nombreuses photos de chars Somua détruits dans les environs, notamment celui du MDL Tribout

Léon Douette sur le marchepied du camion – © Hubert Laby

Résistance

Marcel Janssen intègre la Résistance sous le nom de code de Lambert
Synthèse d’un texte de Jean-Pierre Besse

Sous l’Occupation, Marcel Janssen est chef de culture à Crisolles chez Marcel Poulin et entre, selon son témoignage, dans la Résistance en février 1943 au sein de l’OCM et de l’Armée secrète.  Adjoint au chef du sous-secteur des FFI de Noyon (Marcel Fourrier), il assure la liaison avec l’état-major FFI de l’Oise.
Marcel Janssen, alias “Lambert”, rencontre Fourrier lorsque celui-ci, blessé lors de l’attaque du maquis des Usages, est caché chez le maire de Suzoy, Foucart. Il est alors présenté comme le chef du sous-secteur de Noyon avec le grade d’adjudant. Il devient par la suite lieutenant. Il a reçu la carte de combattant volontaire de la Résistance en 1959. Président du Comité local de libération de Noyon en septembre 1944, il se retire de la vie locale.

Marcel Janssen
Marcel Janssen à Strasbourg lors de la Libération

L’après-guerre

Ingénieur agricole de formation, Marcel Janssen devient par la suite directeur de la ferme école de Longueil-Annel, il est d’ailleurs quelque temps conseiller municipal dans cette commune. Il assume la direction de 5 fermes d’une contenance de 1200 ha dépendant d’une sucrerie. Il s’installe par la suite à Mulhouse. Sa chère épouse est Marguy. Le foyer de Marcel recevra plusieurs fois la visite de son ancien capitaine de 1940 de Beaufort.

Il décède le 24 décembre 1981.


Toute notre gratitude s’adresse à Marguerite Janssen, fille de Marcel, pour les souvenirs et archives transmis, pour le temps qu’elle nous a consacré, pour sa perspicacité qui a fait progresser ces recherches, pour les émotions partagées et surtout pour son accueil chaleureux en Alsace.