Chenu Pierre (1917, Toulouse – 1996, Clamart)
Sous-Lieutenant, 3ème Escadron, 4ème Peloton. Lieutenant en premier, chef de Peloton, chef de char Hotchkiss. Equipier : Vincent
“Le char de Duboÿs arrive à côté du mien et m’apprend les nouvelles suivantes qui me stupéfient : la moitié de l’escadron a été démolie par l’attaque des chars lourds allemands; le peloton Geneste a été détruit en entier, celui de Bron à moitié et le capitaine Sainte Marie Perrin doit être tué; Duboÿs est passé près de son char et l’a appelé et personne n’a répondu de l’intérieur”.
Journal de guerre
Le journal de guerre du lieutenant Chenu, aimablement mis à notre disposition par ses descendants, nous offre une montagne de renseignements précieux en nous plongeant dans le quotidien d’un régiment sur pied de guerre ainsi qu’en nous faisant resentir l’atmosphère régnant dans le village de Crehen avant et pendant la bataille.
Les évènements abondamment détaillés sont donc la préparation à la guerre et ces 2 premières journées des 12 et 13 mai au contact des allemands. Le Lt Chenu s’est néanmoins vaillamment illustré tout au long de ce mois de mai 1940, du moins jusqu’à sa grave blessure du 23 mai (ainsi que lors de la Libération en 44/45), comme en attestent ses citations. Ces combats du 14 au 23 mai ne sont pas abordés dans ce journal (et donc pas dans la présente page) mais les épisodes principaux de ces combats sont présentés sur ce site au travers d’extraits des 2 tomes d’Erik Barbanson.
Pour consulter le journal du Lt Chenu, veuillez cliquer sur la couverture ci-dessous :
Quelques commentaires sur les faits saillants ou remarquables sont proposés afin de permettre une contextualisation, des recoupements et l’établissement d’hyperliens.
page 2
- Le commandant Vignes malade, c’est le capitaine Sainte Marie Perrin qui le remplace en janvier au commandent du groupement d’escadrons Hotchkiss
- Le Lt Chenu occupe dans un premier temps la fonction d’officier adjoint au chef d’escadron commandant les 2 escadrons de chars Hotchkiss. Il est donc adjoint du commandant Vignes (remplacé par Sainte Marie Perrin). Cette fonction sera occupée au moment des combats par l’aspirant Thierry de Ville d’Avray.
- Le 21 janvier le Lt Chenu reçoit son affectation définitive : officier de peloton au sein du 3ème escadron de chars Hotchkiss
- “Débutant avec 2 chars, le 4ème Peloton n’aura son matériel complet que vers le milieu de février“. Cette phrase désigne très certainement le numéro de peloton qui sera celui du lieutenant au sein du 3ème escadron dirigé par Sainte Marie Perrin.
page 3
- Desplanques est le sous-officier spécialiste de carrière du peloton.
- Un détail très intéressant de la dotation en hommes et en matériel du 3ème escadron est donné
- L’organigramme a déjà sa structure classique. Les officiers y apparaissent dans l’ordre d’ancienneté hiérarchique (pas nécessairement équivalent à l’ordonnancement des numéros de pelotons auquel sont corrélés les numéros de tourelles des chars). Singularité du 1er escadron Somua dans l’esquisse du Lt Chenu : seul de Presle est mentionné alors que Roger Couly combattra au second escadron
page 4
- Du 1er au 8 mars embarquement en gare de Saumur à destination du camp de Sissonnes où la 3ème DLM s’entrainera pendant le mois de mars.
page 5
- La popote des 3ème et 4ème escadrons Hotchkiss est dirigée par le Lt Lusson
- Le Lt Vié ayant ses habitudes à Reims constitue un stock de bouteilles de champagne 🙂
- Le 5 avril, la 3ème DLM prend place sur le front. Le 3ème escadron s’installe à Bévillers proche de Caudry, PC de la 3ème DLM
page 6
- Le 10 mai, le capitaine Sainte Marie Perrin part en tête des 3ème et 4ème escadrons à bord d’une voiture.
- Le Lt Chenu, lieutenant en premier est à la tête des 21 chars du 3ème escadrons. Son camarade de promotion Sentis commande les chars du 4ème escadrons en l’absence du Lt Vié
page 7
- L’escadron est suivi par l’escadron Liseray du 11ème régiment de Dragons portés où le Lt Charles de Coatgoureden (camarade de promotion) commande un peloton.
- L’aspirant Duboÿs est en serre-file de l’escadron
- Accueil chaleureux de la population belge massé le long de la route
- Le jallonnement du parcours est réalisé par les orienteurs du peloton Peillon
- Un char du peloton Geneste et le char du Lt Chenu font l’objet d’un bris de chenille sans conséquence majeure
page 8
- 2 motocylcistes de l’escadron ont abattu un avion allemand au mousqueton. Selon la citation, il doit s’agir du cavalier Baron
page 9
- Les lieutenant Chenu et Duboÿs passent la nuit du 10 au 11 dans une grange
- Le 11 mai à 7h, Jean Geneste rentre de permissionen compagnie du Lt Constantin. Le Lt Vié rejoint vers midi
- Au peloton Chenu, il manque pour cause de permission : 2 conducteurs, le sous-officier de peloton Desplanques et le brigadier-chef Mayer
page 10
- Le Lt Chenu arrive en dernier à Crehen à 13H30
- Un char Hotchkiss du peloton Chenu restera en panne au bord de la route. Le peloton ne comptera donc que 4 chars au moment du combat
page 11
- La nuit du 11 mai, des escadrons du 11 RDP viennent renforcer les points d’appuis que sont Crehen et Thisnes.
page 12
- Le lieutenant installe ses 4 chars en bordure Sud du village, dissimulés dans les vergers. Le peloton Duboÿs est à sa gauche. Des barricades sont élevées en avant du peloton sur les 2 routes que le peloton défend
page 14
- Le 12 mai à 2h du matin, le Lt Chenu s’entretient pour la dernière fois avec le capitaine Sainte Marie Perrin
- Des barricades établies par les dragons portés dans les rues du village rendent impossible les liaisons entre la partie Nord et la partie Sud du village
page 15
- “les chars allemands n’ont pas l’air de se promener dans la rue principale dont j’aperçois un tronçon”. Le peloton Chenu défend donc 2 rues du village tout en apercevant un tronçon de la rue principale.
page 17
- Vu les combats auxquels ont fait face les 3ème et 4ème escadrons, les pelotons sont reconstitués. Celui du Lt Chenu lors du combat de Merdorp comprend 3 chars
Le point d’appui de Crehen
Schéma
Ce schéma figure dans le journal de guerre bien qu’il y soit quasi illisible. Après manipulation de la brillance et du contraste, nous pouvons proposer cette version représentant l’installation des pelotons français en point d’appui cerclé à Crehen. Les éléments suivants peuvent être mis en évidence :
- le plan est orienté vers le Nord (N) et vers Hannut
- CREHEN est bien lisible et à gauche Thisnes semble mal orthographié (“Thignes”)
- Du Nord au Sud, 3 cercles désignent l’emplacement des pelotons Geneste, Bron et Duboÿs (“Dub”)
- le mot “Chenu” apparaît en travers de la grand rue. Avec les lisières Sud de Crehen dans le dos du peloton Chenu, le peloton Duboÿs est bien à sa gauche.
Sur le schéma actualisé figurent 4 cercles rouges contenant respectivement la première lettre du nom des pelotons Geneste, Bron, Duboÿs et Chenu. La pastille rouge désigne l’embranchement entre la rue principale et la rue allant vers Thisnes. A cet endroit se trouve une barricade.
Concernant l’approximation de l’emplacement du peloton Chenu, nous l’avons placé à cet endroit dès lors que conformément aux écrits du lieutenant, cette localisation permettrait au peloton Chenu de défendre 2 rues du village (rue Loriers et rue de Meeffe) tout en apercevant un tronçon de la rue principale. Néanmoins, il ne s’agit qu’une hypothèse dans le mesure où le plan esquissé par le lieutenant contient des éléments difficiles à rattacher à la réalité du terrain (entre autres l’orientation du carrefour situé tout en bas et à droite sur son schéma).
La rue principale
Journal de guerre du Lr Chenu :
“Je file dans mon char à travers la grande rue, il y règne un silence complet; les Dragons Portés ont laissés quelques motos et sides, dont beaucoup ont été abimés par les bombes; arrivé à l’embranchement de la route de Thisnes, je ne peux continuer à suivre la rue vers la partie Nord du village une barricade barrant la rue sur toute sa largeur.”
La photo ci-dessous, issue de la page 138 de l’ouvrage d’Hervé Legros, “Le couloir des invasions” (2019), donne une idée de cette atmosphère particulière qui devait régner à Crehen peu de temps après les combats. Nous avons ajouté sur cette photo des marquages colorés afin de désigner certains points précis.
On aperçoit la rue principale de Crehen, dont le trait rouge indique la courbure. La flèche bleue (pointant vers l’Ouest) désigne l’embranchement de la route conduisant vers Thisnes. La photo est prise dans le sens du Nord vers le Sud. La pastille verte laisse entrevoir le toit de l’ancien home Loriers. Les pastilles jaunes désignent les dépendances d’une ferme qui a été démolie au début des années 80, rendant cet endroit beaucoup plus ouvert aujourd’hui.
Il est notoire qu’une barricade barrant toute la chaussée avait été érigée à cette intersection (rouge x bleu) mais sur cette photo elle n’est pas visible, sans doute a-t-elle déjà été déconstruite. Dans son récit, le Lt Chenu traverse la partie Sud du village pour finir par être bloqué de l’autre côté de cette intersection, puisqu’il circule du Sud vers le Nord.
La photo a été prise très peu de temps après le combat de Crehen puisque le Hotchkiss n°51 du lieutenant Geneste (tué lors du combat) semble toujours se trouver à l’endroit même où il aurait été détruit (plusieurs photos montrent ce char à d’autres emplacements très proches de celui-ci mais ces endroits semblent des emplacements choisis afin que le char ne gène plus la circulation). Vu la position des ombres cette photo a été prise environ en milieu de matinée. Pour cette raison et aussi parce que la barricade n’est plus visible, nous estimons qu’il n’est pas évident de dire si cette photo date bien du 12 mai.
Le point d’appui de Merdorp
Le schéma ci-dessous provient du tome 1 d’Erik Barbanson (“Les 2ème et 3ème Divisions Légères Méaniques”). Il a probablement été esquissé par le père du lieutenant de Presle dans sa quête afin de comprendre les circonstances du combat ayant conduit à la mort de son fils.
Ce schéma désigne l’emplacement global des chars Hotchkiss.
“Mon char est installé le long d’une haie avec un beau champ de tir le long des lisières du village”