Peillon Robert (1916 – 1940)
Lieutenant, peloton orienteur
- Robert était le second d’une fratrie de six garçons : Emmanuel, Robert, Hubert, Christian, Alain et Gérald
- Hubert prit de gros risques pendant l’occupation pour aller reconnaître les lieux du combat de son frère.
Extrait d’un document issu des archives du colonel du Vigier [Via Erik Barbanson]. Il retrace le parcours du lieutenant Peillon. L’auteur de ce document est indéterminé.
Sorti de l’Ecole de Saint Cyr à la mobilisation avec son galon d’officier, le Sous-Lieutenant Peillon était parti avec enthousiasme à la tête d’un peloton de motocyclistes dans une régiment de Dragons Portés. Ardent, soldat dans l’âme, il lui tardait d’entrer dans la fournaise, de recevoir le baptème du feu.
A l’inaction des premiers jours devait s’ajouter une autre désillusion. Avec ses camarades de promotion, il était en octobre retiré de la zone des Armées et envoyé à l’Ecole de Cavalerie de Saumur pour s’y perfectionner dans la motorisation. D’être loin du front, même pour quelques semaines, de songer qu’on pourrait se battre sans lui, lui causait une peine cruelle qui ne devait s’atténuer qu’en décembre 1939 lorsqu’il fut affecté au 2ème Cuirassiers, régiment de chars en formation devant entrer dans la composition de la 3ème D.L.M.
Il reçut le commandement du peloton des orienteurs et pendant deux mois d’hiver très rude dans la région de Saumur, puis ensuite pendant six semaines au camp de Sissonne, il travailla sans relâche à toute heure et par tous les temps, pour son Régiment, pour son peloton afin que l’un et l’autre soient prêts pour la grande bataille qu’on sentait chaque jour plus proche.
Cette photo exceptionnelle datée d’avril 1940 nous montre Joseph Schwartzel et le Lt Robert Peillon assis côte à côte.
Tous deux périront à Merdorp peu de temps après ce cliché.
Dès qu’il fut rendu sur notre frontière du Nord-Est il prépara dans le moindre détail la mission qui lui était confiée qui consistait à orienter sur un itinéraire difficile une colonne de chars de combat et le 10 mai, le premier du 2ème Cuirassier, il franchissait la frontière belge. Il faut l’avoir vu à l’oeuvre pour savoir avec quelle conscience, avec quel coeur il allait de l’un à l’autre, plaçant ses chers cuirassiers au moindre carrefour, surveillant tout afin que les combattants fassent la longue route pénible dans les meilleures conditions, pour qu’ils puissent affronter la ruée allemande en possession de tous leurs moyens.
Le 12 mai, ce fut le véritable baptème du feu pour tous. (…) Au soir du 12 mai, la défense s’organisa à hauteur des villages de Jandrenouille et de Merdorp et le Colonel recevait l’ordre de poster son poste de commandement qui était trop exposé à Folx-les-caves.
Le sous-lieutenant Peillon enrageait de n’avoir pu lui aussi comme ses ardents amis de Crehen et de Thisnes démolir par un tir à bout portant les engins ennemis. Il ne voulu pas aller vers l’arrière. Il supplia son chef, le colonel du Vigier, de le laisser sur place, il voulait rester avec les chars pour les aider, pour participer lui aussi aux combats du lendemain. Il passa sa nuit à organiser les défenses du village et le 13 mai, sous le feu de l’artillerie et les bombes d’avion, il était calme, souriant, ardent plus que jamais, réalisant son rêve de se battre, de se sacrifier.
A 13 heures trente, l’ennemi attaqua à nouveau encore plus nombreux, encore plus brutal que la veille. Le combat fut terrible. Les pertes sévères. On vit le lieutenant Peillon aller à pied vers les chars pour guider leur action, renvoyant à la contre-attaque ceux qui venaient déjà d’être débordés, tandis qu’avec ses orienteurs il s’acharnait sur les fantassins trop imprudents. Il prit contact ainsi en pleine bataille avec le sous-lieutenant Jacquinot de Presles qui devait être tué quelques instants plus tard. Puis on ne le vit plus.
Extrait d’ouvrages relatant les “souvenirs” des habitants de Merdorp :
L’aile droite de la poussée d’infanterie s’infiltrait en même temps au coeur du village, par le cimetière qui entoure l’église et par l’arrière du presbytère, pour déboucher des deux côtés de la place communale.
Les deux PC étaient en vue et les fantassins descendirent vers le carrefour inférieur pour encercler celui qui se trouvait en face de l’église. Les occupants ne pouvaient plus s’enfuir par l’arrière du bâtiment et furent assaillis de deux côtés à la fois.
Le lieutenant Peillon et cinq de ses hommes furent tués à l’intérieur : le lieutenant dans la petite pièce du téléphone, 4 soldats dans la salle du café (le bureau), le sixième dans la cave. Les 5 du rez de chaussée furent neutralisés à l’arme blanche et celui de la cave, recevant ses assaillants à coups de pistolet, y fut décapité à la grenade.
Les éraflures de baïonnettes, les plaques de sang projeté sur les murs, subsistèrent plusieurs années dans la salle du café où les nombreux visiteurs n’en croyaient pas leurs yeux.
La maman du Lt Peillon est longtemps venue en pélerinage à Merdorp chaque 2ème dimanche de mai. Après avoir demandé qu’on ferme la porte du “sanctuaire”, elle s’agenouillait et récitait son chapelet. Elle assistait aussi à une messe.
Sont morts dans cette maison (marquée d’une croix) : Robert Peillon, André Lapouille, Joseph Schwartzel, Henri Garnier. Plus également 2 hommes parmi ces 3 combattants : Paul Radel, Laurent Jaffredo, Pierre Bataille.
Coupure de presse de 1940.
Citation.
“Jeune Saint-Cyrien plein d’allant et de courage, Chef de Peloton d’Orienteurs d’un Régiment de combat, a sollicité, comme faveur, l’autorisation de participer à la défense d’un village confié à un Groupe d’Escadron de chars. Après un sévère bombardement d’artillerie et d’aviation, a tenu tête courgeusement à une attaque d’engins blindés ennemis. Complètement entouré, a continué à se défendre sur place sans penser à se replier”.
Croix de guerre avec palme
Tombe de Robert Peillon à Merdorp. Il est le seul combattant qui repose encore à Merdorp.